La bocca del lupo, Pietro Marcello, 2009
Léa :
La Bocca del Lupo raconte l’histoire d’Enzo et de Marie, deux anciens prisonniers rencontrés à Gênes par Pietro Marcello.
Enzo a passé la moitié de sa vie en prison, pour avoir tiré sur deux policiers, et il y a rencontré Marie, une transsexuelle toxicomane, dont il tombe aussitôt amoureux. Leur histoire est racontée dans la première moitié du film à travers un collage d’images et de voix qui la reconstitue par bribes, par morceaux, comme une mosaïque. En prison, Enzo protège Marie de ceux qui n’acceptent pas sa différence. Libérée des années avant lui, elle l’attend patiemment et lui envoie chaque jour des cassettes, où elle enregistre sa voix.
Fasciné par le détenu Enzo et son histoire d’amour romantique avec Marie, Pietro Marcello réinvente leur histoire grâce au pouvoir des archives : la matérialité de l’image et la bande sonore (les cassettes enregistrées par Mary pour Enzo en prison) devient un instrument pour redonner une dimension temporelle à l’histoire. Enzo errant, les ruelles de la vieille ville, les images d’archives et la musique s’entrecoupent à travers un montage pour construire un univers unique. Ce que le réalisateur compose peu à peu sous nos yeux, c’est un tableau de Gênes, ville portuaire, industrielle, sale. En suivant Enzo et Marie, on marche sur les docks, on s’enfonce toujours un peu plus dans les ruelles sombres, où l’on croise des marginaux, des dealers et des drogués, des prostituées. Les images d’archives se mêlent aux autres, dressant temporellement ce tableau de Gênes, exposant l’histoire de la ville, son évolution.
Dans un second temps, Enzo et Marie, dans un très long et très beau plan séquence, racontent leur histoire, face caméra. Comme s’ils témoignaient.
Face à la caméra, ils racontent leur histoire touchante. La Bocca del Lupo, c’est la gueule du loup, la prison, mais Marie nous dit aussi que c’est dans cette prison qu’elle a vécu parmi les plus beaux moments de sa vie.
L’enchevêtrement des temporalités, les croisements multiples de l’histoire et des images entrecoupées laissent un sentiment de mélancolie, le sentiment d’un jour qui s’achève, le crépuscule.
